La quête de l’indifférence
Quand les relations sont trop douloureuses, la prise de distance devient cruciale. Et les enfants blessés se lancent alors dans la quête de l’indifférence. « Celle-ci protège, explique Alain Braconnier, c’est une défense contre l’affectif. Mais elle est fragile : il suffit d’un geste de sa mère pour être touché. » Tous disent en rêver, mais avouent en être incapables. « Je me protège d’elle, je vis loin, je m’investis ailleurs, raconte Anna. Mais je vois bien, à la façon dont je m’énerve quand je la vois, que je ne suis pas indifférente. »
Marie parle, elle, d’un modus vivendi qu’elle a instauré, « plus facile à supporter intérieurement qu’une rupture : je la vois un minimum, par obligation, sans aucun plaisir ». S’autoriser à ne pas aimer celle qui nous a élevé sans trop en souffrir, c’est très difficile, mais possible. « L’indifférence, c’est de la carence affective dépassée, de la haine consolée, constate Danielle Rapoport. Quand on a fait le tri entre sentiments et culpabilité, on a défait le nœud de départ, on arrive à prendre ses distances et à faire sa route, voire à dire : “Je n’aime pas ma mère.” Devenir adulte, c’est ça : se détacher de ce qui nous encombre. Mais c’est un long chemin à parcourir… »
Interview
Pascal Picq, paléoanthropologue et primatologue, maître de conférences au Collège de France, à Paris. Il revient sur le rapport mère-petit chez les animaux.
« Chez les espèces qui n’ont qu’un seul petit à la fois, on peut parler d’amour »
A lireNouvelle Histoire de l’homme, de Pascal Picq (Perrin, 2005).
Psychologies : Les notions d’attachement et de lien du sang existent-elles chez l’animal ?
Pascal Picq : Oui, très clairement. Mais leur qualité varie en fonction de l’espèce. Si les poissons ou les insectes pondent et s’en vont, les grands singes, au contraire, s’investissent très fortement dans l’éducation. Il en va de la survie du petit. En fait, tout dépend de la stratégie de reproduction qui est en jeu. Certains animaux, comme les rongeurs, ont des portées très nombreuses : leur espèce n’est donc pas en danger. Par ailleurs, ceux-ci ont un déterminisme génétique très marqué – les jeux sont faits dès la naissance. Les petits grandissent et apprennent très vite, l’apport de la mère est essentiellement alimentaire. Le lien est réduit au minimum.
Pascal Picq : Oui, très clairement. Mais leur qualité varie en fonction de l’espèce. Si les poissons ou les insectes pondent et s’en vont, les grands singes, au contraire, s’investissent très fortement dans l’éducation. Il en va de la survie du petit. En fait, tout dépend de la stratégie de reproduction qui est en jeu. Certains animaux, comme les rongeurs, ont des portées très nombreuses : leur espèce n’est donc pas en danger. Par ailleurs, ceux-ci ont un déterminisme génétique très marqué – les jeux sont faits dès la naissance. Les petits grandissent et apprennent très vite, l’apport de la mère est essentiellement alimentaire. Le lien est réduit au minimum.
C’est exactement l’inverse chez tous les mammifères qui n’ont qu’un seul petit à la fois. La mère s’implique alors plus profondément, à des niveaux bien plus divers que la seule alimentation. Le contact physique, les caresses sont très importants. Le processus d’attachement s’inscrit aussi dans la durée : la gestation est longue, le sevrage est tardif et la vie sera plus longue. Le cerveau a eu bien plus de temps pour se développer in utero, il en découle une forme d’attachement beaucoup plus complexe. On peut même parler d’amour : si une femelle perd son petit, elle sera extrêmement déprimée. Elle adoptera un fonctionnement analogue à celui de l’espèce humaine.
Est-ce qu’une mère animale peut être une « mauvaise mère » ?
Pascal Picq : A priori, toute femelle est faite pour la reproduction, et donc pour être mère. Mais, pour des raisons organiques, génétiques, elle peut ne pas avoir développé cette aptitude. L’environnement compte aussi beaucoup.
Pascal Picq : A priori, toute femelle est faite pour la reproduction, et donc pour être mère. Mais, pour des raisons organiques, génétiques, elle peut ne pas avoir développé cette aptitude. L’environnement compte aussi beaucoup.
Si une mère est stressée, si le milieu dans lequel elle évolue est défavorable, elle ne pourra pas remplir son rôle. Elle pourra même être maltraitante.
C’est le cas par exemple d’une femelle orang-outan qui vient de mettre bas au Jardin des Plantes, à Paris : elle est très mal et refuse de s’occuper de son nouveau-né. Mais le dysfonctionnement peut aussi venir du petit.
S’il a un comportement étrange, s’il ne correspond pas aux schémas habituels, ça ne marche pas. Quand un chaton est anormal, il arrive que sa mère le mange… L’attachement, c’est toujours une rencontre entre deux individus : elle peut ne pas avoir lieu.
http://fome-famille.blogspot.com/2014/05/enquete-est-on-oblige-daimer-sa-mere_5293.html
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